Rencontre avec Laure Pollet à Paris
En ce début d’année, nous sommes allées à la rencontre de Laure Pollet, céramiste à Paris et membre du collectif Minuit depuis 2023. Vous pouvez la rencontrer à son atelier-boutique aux Abbesses à Montmartre sur rendez-vous.
Laure, tu peux nous raconter ton cheminement vers la céramique ?
A l’école, j’étais une élève assez studieuse. J’ai eu un parcours scolaire plutôt classique, qui m’a amené à poursuivre après le bac des études en économie, puis à travailler dans le développement culturel et touristique de Paris et sa région.
Pour autant, ce qui m’a toujours animée, c’est la pratique artistique. Petite, je dessinais et peignais. Lorsque à la vingtaine j’ai découvert l’argile lors d’un cours, ça a été une révélation. Il y avait ce passage de la 2D à la 3D et la notion de volume qui m’a beaucoup plus. Surtout, on réalise un objet grâce à ses mains, on matérialise une idée.
J’ai commencé la pratique de la céramique avec du modelage, en autodidacte. À la maison j’ai d’abord démarré avec de l’argile autodurcissante. Je travaillais le corps humain, des mini sculptures.
Le tournage est arrivé plus tard et cela a fini de me convaincre que la céramique était ma nature profonde, la façon évidente pour moi de m’exprimer.
Au fil du temps, je suis aussi devenue de plus en plus sensible au design et à l’architecture d’intérieur.
Quel a été le déclic pour aller plus loin et en faire ton métier ?
En 2016 j’ai fait un bilan de carrière et le processus a conforté mon ressenti, la céramique est devenue une option sérieuse à ce moment-là.
Ce qui m’intéresse dans la céramique, c’est qu’au-delà du travail de la matière, de la création, il s’agit d’artisanat, de savoir-faire. L’artisanat c’est le goût du travail bien fait. Ce métier exigeant me résume autant dans son champs d’application que dans les valeurs qu’il renferme.
J’ai vraiment réfléchi à mon choix et construit mon projet professionnel pendant une année avant de sauter le pas. Puis en 2017, j’ai démarré une formation professionnelle à l’atelier Chemins de la Céramique et j’ai obtenu un CAP Tournage.
À la fin de la formation, j’ai commencé par donner des cours de modelage et tournage dans un atelier du 15e arrondissement, le soir et le weekend.
Tu as ouvert ton atelier à Montmartre ensuite : pourquoi là-bas et quelle est ton organisation de travail ?
Je cherchais un atelier pas très loin de mon domicile et en 2019 j’ai trouvé une opportunité dingue : un artisan chauffagiste qui libérait un local aux Abbesses. J’ai sauté sur l’occasion et ouvert mon atelier dans la foulée ! Pendant un an la devanture n’a pas changé : les élèves venaient prendre des cours à l’atelier du “plombier chauffagiste”.
J’aime beaucoup ce quartier, son passé artistique imprègne encore beaucoup les lieux. Ce n’est plus un quartier bohème et les marques de mode ont remplacé les ateliers d’artistes mais on se sent tout de même à part de Paris.
Au vu de la localisation très touristique, j’ai fait le choix de n’ouvrir que sur rendez-vous. Mon atelier se situe juste derrière la boutique et je peux travailler sans être interrompue par trop d’allées et venues. Les touristes qui visitent Montmartre sont généralement peu enclins à acheter de la céramique artisanale. Mes clients sont davantage des parisiens et des gens qui me suivent sur Instagram. Une fois que j’ouvre la porte, c’est très qualifié car je sais que la personne a un réel intérêt pour mon travail. Le rendez-vous me permet aussi d’être complètement disponible, c’est un moment privilégié avec ma clientèle au cours duquel je peux lui faire visiter mon atelier et lui expliquer la fabrication de mes pièces. Les échanges sont chouettes.
En tant que céramiste, tu deviens d’un coup entrepreneur et tu dois tout gérer. Mon organisation à l’atelier est en constante évolution. Je suis très organisée mais parfois j'ai besoin de me poser pour ne pas partir dans tous les sens.
Je vends essentiellement à des particuliers mais je m’intéresse de plus en plus aux commandes de professionnels. Je travaille en ce moment sur un projet de luminaire avec des architectes et j’adore. C’est une pièce qui nécessite plus de 20h de travail, simple et précieuse à la fois. Je suis minutieuse, j’ai le souci du détail et j’aime cette rigueur et ce soin apporté à chaque étape de fabrication.
Quel est ton regard sur ton métier ? Tu peux nous dire un mot de tes inspirations ?
Je me définis comme designer et céramiste. J’essaie de fabriquer de beaux objets utiles et qui font du bien. Chaque objet est le résultat d’une réflexion sur l’usage et l’esthétique, c’est la combinaison des deux qui doit séduire le client. Mon univers artistique se construit autour de lignes épurées, de tonalités naturelles, d’effets de textures. Faire beau, élégant et poétique avec pas grand chose, c’est mon défi à chaque fois. J’aime l’idée d’un effet waouh avec une pièce minimaliste. Ma pièce « signature » c’est sûrement le vase Antipodes.
L’inspiration vient de tout ce qui m’entoure. Souvent les idées me viennent la nuit, je vois une forme, un volume, des détails. Je les garde en tête et les note au matin.
En tout cela fait 4 ans que j’ai mon propre atelier et 5 ans que je suis à mon compte. J’espère à l’avenir pouvoir en vivre un peu mieux, ça reste parfois compliqué.
Le rythme de travail est assez intense et la difficulté c’est qu’on peut vite se faire happer. J’essaie de garder du temps pour ma famille, mes enfants - même s’ils sont grands - les activités culturelles : expo, musique, lecture … Je profite des vacances pour me ressourcer en pleine nature. Je suis une contemplative, j’aimerais avoir plus de temps pour rêver.